Àprès le mois de juin le plus chaud de l’histoire récente au niveau mondial, l’été a apporté son cortège devenu presque habituel de canicule, de sécheresse, d’incendies et de dômes de chaleur. Seuls les plus bornés des climatosceptiques peuvent encore nier l’ampleur du changement climatique à l’œuvre, que celui-ci d’ailleurs soit « naturel » ou largement accéléré par la main de l’homme.

Les conséquences en sont majeures pour l’ensemble des ressources naturelles tant au niveau de leur production, de la demande et bien sûr de leurs marchés. Dans le champ de l’énergie, il faudra s’habituer dans l’hémisphère nord – le plus riche – à des pics de demande durant l’été (la « cooling season ») et donc à une moindre saisonnabilité d’un marché comme celui du gaz naturel. Et puis tous les efforts consentis en faveur de la transition énergétique ont ouvert le champ de nouvelles dépendances, celles des métaux critiques (pour l’essentiel électriques) et la Chine, par la mise en place de quotas pour le gallium et le germanium, vient de rappeler sa place déterminante dans la mine et surtout dans la métallurgie de presque toutes ces substances. Demain, il pourrait en être de même pour le cuivre qui promet d’être le métal le plus déterminant des années à venir. L’agriculture enfin reste dépendante de sautes climatiques de plus en plus capricieuses : malgré d’excellentes récoltes encore en 2023, la perspective d’El Niño ne manque pas d’inquiéter pour les saisons à venir.

Des quatre cavaliers de l’Apocalypse du CyclOpe 2023, celui qui porte les « bêtes sauvages », c’est-à-dire la nature et le climat est peut-être le moins furieux, mais certainement le plus insidieux.

Le premier cavalier, celui de la guerre, continue à labourer les plaines entre le Danube et le Dniepr portant avec lui un manteau de misère et de destructions. Vladimir Poutine a – assez logiquement de son point de vue – décidé de mettre un terme au corridor céréalier qui avait permis à l’Ukraine d’exporter depuis août dernier une trentaine de millions de tonnes de céréales (pour la majeure part du maïs). L’artillerie et les drones russes se sont aussi attaqués aux ports ukrainiens du Danube, ce qui risque de limiter l’Ukraine aux seules voies de sortie traversant l’Union européenne, plus longues, plus coûteuses et politiquement plus difficiles à gérer. Les marchés mondiaux ne devraient pas trop en souffrir, car les récoltes s’annoncent abondantes, mais plus que jamais, Poutine fait de « l’arme du blé » un outil de sa propagande en particulier vers l’Afrique (où l’on s’interroge aussi sur l’avenir de Wagner). Et puis, pendant la guerre, le pétrole et même le gaz russe continuent à sortir, faisant le bonheur des négociants de Dubaï… Mais le cavalier de la guerre est aussi bien actif en Afrique (avec un nouveau coup d’État au Niger au cœur d’une bande sahélienne si tourmentée), au Proche-Orient, en Asie centrale sans oublier les bruits de bottes autour de Taiwan, plus assourdis – il est vrai – ces temps derniers (mais que penser de la « disparition » du ministre des Affaires étrangères chinois !). Le cavalier de la guerre est bien à l’œuvre et c’est lui qui porte et entraîne celui de la faim et de la pauvreté alimentaire qui tourmentent encore près d’un milliard d’êtres humains.

Le seul cavalier à avoir marqué une pause dans sa course est celui de la peste. Le monde semble en effet en avoir fini du Covid. Il en reste toutefois quelques doutes quant à son bilan. La publication – vite retirée – de chiffres de crémation d’une province chinoise laisse penser que le bilan chinois des premiers mois de 2023 a dépassé le million de décès. Le Covid a probablement coûté une trentaine de millions de morts sur la planète, moins que la grippe espagnole un siècle auparavant, mais avec un tout autre effet en terme économique et social. Et le champ des pandémies – animales cette fois – reste largement ouvert…

Par leur charge désordonnée, nos quatre cavaliers sont à l’origine d’une rupture majeure du modèle économique et politique qui avait dominé les « Trente glorieuses » d’une certaine « mondialisation heureuse ». La « fin de l’histoire » dont nous avions rêvé s’est éloignée un peu plus. Les défis climatiques, géopolitiques, sanitaires et alimentaires seront au cœur des années à venir. Mais dans l’Apocalypse, il est bien affirmé que les justes doivent se préparer à affronter les défis des cavaliers pour préparer « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Ap 21-1).

 


  Ceci est un extrait de la synthèse mensuelle éditée par le Cercle CyclOpe.La version complète de 150 pages est disponible sur abonnement, pour plus d’informations, vous pouvez nous contacter à cyclope@ampersandworld.ch  


 

Brèves de marchés, été 2023

À la fin de la campagne 2022/2023, l’Ukraine aura exporté autant de céréales qu’en 2020/2022, soit un peu moins de 50 Mt : 29 Mt de maïs, 17 Mt de blé et un peu moins de 3 Mt d’orge. En 2023, l’Ukraine produirait 46 Mt de céréales contre 53 Mt en 2022 et surtout un record de 86 Mt en 2021. À peu près la moitié des céréales sont sorties par le corridor, un quart par le Danube et un quart par l’ouest. Tous grains confondus, les sorties par le corridor se sont élevées à 33 Mt. De manière plus récente, l’Ukraine a développé son débouché sur le Danube (les ports d’Izmail et de Reni) qui avait la capacité d’exporter 2,5 Mt par mois. Ce sont ces ports qui ont été visés par des attaques russes fin juillet.

La FAO estime à 1,4 Mt l’excédent mondial de sucre en 2022/2023. La production serait de 177,5 Mt (+ 1 %) pour une demande de 176,1 Mt. Les échanges mondiaux seraient de 60,7 Mt.

Sur la campagne 2022/2023, l’UE a exporté 30,8 Mt de blé contre 27,6 Mt l’année précédente. La France reste le principal exportateur avec 10,1 Mt.

Le Programme alimentaire mondial se fournissait à 80 % en 2023 en blé ukrainien (contre 50 % en 2021 et 2022). Au total, sur 2022/2023, le PAM a utilisé 725000 tonnes de blé ukrainien.

Flambée des prix de l’huile d’olive à plus de € 7 le kg (€ 4 en septembre 2022) du fait de la sécheresse en Espagne : l’Espagne a produit 620000 tonnes en 2022/2023 contre 1,5 Mt l’année précédente.

En mai, la production mondiale d’acier a diminué de 5,1 % à 161 Mt : 90 Mt pour la Chine (– 7,3 %), 7,6 Mt pour le Japon (– 5 %), 11,1 Mt pour l’Inde (+ 4 %), 11,6 Mt pour l’UE-27 (– 11 %), 6,95 Mt pour les États-Unis (– 2,3 %), maïs 6,79 Mt pour la Russie (+ 8,8 %).

Les prix soutenus du sucre incitent les producteurs brésiliens à arbitrer leurs exportations de la campagne 2024/2025 : au 30 juin, 4,5 Mt avaient été fixées à 20,51 cents/lb en moyenne (soit 17 % des exportations attendues. La Chine, par ailleurs, aurait acheté 3 Mt de sucre brésilien à charger pour le deuxième semestre par l’entremise de Cofa Alvean et Sucden.

Fin juin, le marché du cacao a été enfin à la fête avec des prix à Londres au plus haut depuis 46 ans. Le 28 juin, Londres a clôturé à £ 2 590 (£ 2594 en 1977, mais il faut tenir compte de l’inflation!). À New York, le cacao était à $ 3 348 au plus haut depuis sept ans. Le 19 juillet à New York, le cacao a fait encore mieux à $ 3 407. L’ICCO a augmenté sa prévision de déficit mondial pour la campagne de
60000 tonnes à 142000 tonnes. Les arrivées aux ports en Côte d’Ivoire sont en recul de 5 % et des pluies importantes gênent le séchage des fèves et pourraient handicaper la prochaine récolte en Afrique de l’Ouest. D’après Stonex, le ratio stock/consommation tomberait à 32,2 % au plus bas depuis 1984/1985.

La Chine bat des records d’exportation d’acier avec 8,36 Mt en mai. Le Yuan a perdu de la valeur (5 %) par rapport au dollar, ce qui renforce la compétitivité de l’acier chinois. Mais surtout, la demande intérieure reste limitée, ce qui est un indicateur inquiétant de l’économie chinoise. En juin, la Chine a produit 91,1 Mt d’acier (535 Mt pour le premier semestre, + 1,3 %).

Les prix du riz sont au plus haut depuis onze ans du fait de l’impact attendu d’El Niño, notamment en Inde. Ceci a été aggravé par la décision de l’Inde d’interdire les exportations de riz non-basmati pour sauvegarder le marché intérieur. L’Inde avait exporté 22 Mt de riz en 2022 (40 % du marché mondial dont 10 Mt étaient du non-basmati et des brisures. Des contrats portant sur 2 Mt de riz seraient annulés.

L’impact du développement des véhicules électriques sur la demande de cuivre serait moins important qu’anticipé. CRU estime ainsi qu’une voiture électrique standard utilisera en 2030 de 51 à 56 kg de cuivre contre une précédente estimation de 65 kg. Goldamn Sachs donne 65 kg en 2030 contre 73 kg en 2022. Goldman Sachs a révisé à la baisse son estimation de la demande de cuivre pour les véhicules électriques à 2,8 Mt en 2030 (contre 3,2 Mt précédemment et 1 Mt en 2023). CRU a une estimation de 2,9 Mt pour 2030 contre 1,2 Mt en 2023.

La Russie joue avec les nerfs des Occidentaux et estime que l’accord sur le corridor céréalier ne pourra être renouvelé au-delà du 17 juillet. L’une des conditions russes est que la banque agricole d’état (Rossel Khozbank) russe soit reconnectée au système SWIFT.

Sur le marché intérieur américain, le sucre bat des records à 45 cents la livre sur un marché particulièrement tendu (grâce aussi aux sucrants à base de maïs). On est là au double du prix mondial.

La décision chinoise de limiter les exportations de gallium et de germanium, en réaction à la décision néerlandaise d’interdire des exportations de matériel pour la fabrication de semi-conducteurs vers la Chine, a fait frémir le monde des hautes technologies. La Chine détient 94 % de la production mondiale de gallium et 83 % pour le germanium. Mais derrière, il y a les terres rares, le lithium…

Pour 2023, Macquarie anticipe un excédent mondial de nickel de 196000 tonnes, de 155000 tonnes en 2024. Un analyste de BNP Paribas donne des chiffres encore plus élevés : 277000 tonnes en 2023 et 305000 tonnes e, 2024. Pour l’INSG, l’excédent sera de 293000 tonnes en 2023 et pour Goldman Sachs il sera de 218000 tonnes en 2023 et de 306000 tonnes en 2024. Tous les regards se tournent vers l’Indonésie où 200000 tonnes de capacités supplémentaires de nickel (de classe 1) sont annoncées pour la fin 2024.

Pour 2023, Macquarie anticipe un excédent mondial de nickel de 196000 tonnes, de
155000 tonnes en 2024. Un analyste de BNP Paribas donne des chiffres encore plus élevés :
277000 tonnes en 2023 et 305000 tonnes en 2024. Pour l’INSG, l’excédent sera de 293000 tonnes en 2023 et pour Goldman Sachs il sera de 218000 tonnes en 2023 et de 306000 tonnes en 2024. Tous les regards se tournent vers l’Indonésie où 200000 tonnes de capacités supplémentaires de nickel (de classe 1) sont annoncées pour la fin 2024.

Sur les quatre premiers mois de l’année, le marché du zinc a été excédentaire de 138000 tonnes d’après l’ILZSG : 193000 tonnes d’excédents en Chine et
55000 tonnes de déficits dans le reste du monde. Pour le plomb, le marché serait déficitaire de
46000 tonnes, mais là aussi avec excédent chinois de 44000 tonnes et un déficit de 89000 tonnes dans le reste du monde. Pour le cuivre, d’après l’ICSG, l’excédent aurait été de 384000 tonnes.

L’USDA anticipe une récolte mondiale de blé en 2023/2024 qui pour la première fois dépasserait les 800 Mt.

Alors que certains anticipent le «peakoil» dès 2030, l’OPEP persiste à prévoir une demande mondiale de pétrole à 110 mbj en 2045.

D’après Wood MacKenzie, le monde se dirige vers une surcapacité pétrochimique mondiale. Avec les investissements en cours des raffineurs chinois, la capacité mondiale de production d’éthylène et de propylène atteindrait en 2030 485,9 Mt pour une demande mondiale de 426, 8 Mt. Les excédents asiatiques pèseront sur les marges en Europe et ailleurs.

En 2022, les énergies fossiles ont représenté encore 82 % de la consommation mondiale d’énergie. Les énergies renouvelables ont pesé 12 % et le nucléaire 4 %. Le charbon reste l’énergie dominante (35 % de la production d’électricité) avec une augmentation de la production mondiale de 7 % en 2022.

Au sein de l’OPEP, le poids des pays arabes du Golfe ne cesse d’augmenter : Arabie saoudite, Émirats et Koweït représentent 55 % de la production de pétrole de l’OPEP contre 45 % il y a dix ans. Par contre, les deux pays africains, Angola et Nigeria, ont vu leur part diminuer de 12 % à 9 %. À l’avenir, ceci devrait s’amplifier, l’Arabie saoudite prévoyant d’augmenter sa capacité d’ici 2023 de 12 à 13 mbj, les Émirats de 4 à 5 mbj et le Koweït à 3 mbj.

Le marché du GNL se réveille en Asie avec des prix qui sont remontés à $ 12 le mbtu puis à $ 10,8 à la fin juillet. Vitol anticipe une demande asiatique en 2023 de 260 Mt en hausse par rapport aux 252 Mt de 2022, mais encore loin du record de 272 Mt de 2021. Par contre, les ventes de gaz russe par gazoducs vers l’Europe se sont réduites à 12,1 bcm au premier semestre 2023 (62 bcm en 2022). En ce qui concerne le GNL, les ventes russes ont diminué au premier semestre de 9,4 % à 14,4 Mt, dont 9 Mt vers l’Europe et 5,2 Mt vers l’Asie. En Europe, les prix du GNL sont estimés autour de $ 9,30 le mbtu.

L’Iran a retrouvé ses niveaux de production et d’exportation de pétrole de 2018 : en mai, plus de 3 mbj de production et des exportations de brut de 1,5 mbj d’après Kpler (1,93 mbj selon une autre source avec les condensés). En 2018, l’Iran exportait 2,5 mbj.

La décision de l’Arabie saoudite et de la Russie de poursuivre leur programme de réduction de leur production de pétrole est vécue par les marchés comme un signe plutôt négatif. Au total, l’OPEP+ aura réduit sa production de 5,16 mbj et le marché, début juillet, ne bougeait pratiquement pas $ 75 le baril de Brent : un signe que la demande n’est pas là! Pourtant, les achats chinois sont élevés (12,5 mbj en juin), mais en partie par effet d’aubaine et pour le stockage. Et l’Inde se gave de pétrole russe (1,96 mbj en mai)

 


Le Cercle CyclOpe
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